Le blogue

Avec ce blogue, nous souhaitons diffuser différentes informations liées à l’expédition — avant, pendant et après —, partager les réflexions qu’elle suscite et vous présenter des gens, des œuvres, des récits qui nous inspirent tout particulièrement. La plateforme se veut bien sûr un espace d’échanges.

Comme annoncé brièvement dans la page intitulée L’expédition, ce projet a pour objectif d’approfondir trois enjeux qui nous semblent fondamentaux, soit la quête religieuse et identitaire, les liens avec l’autochtonie et l’exploration du territoire sur le mode aventurier et géopoétique. Les articles que nous publions sont donc tous liés à ces enjeux, de près ou de loin. Nous vous invitons à consulter les différentes catégories pour naviguer à travers le site.

La quête religieuse et identitaire

La question du religieux au sein de la société québécoise nous préoccupe plus que jamais. Cette question, en grande partie, s’est transformée en problème. Que de tabous autour du mot « religieux »! Comme il est devenu ardu d’utiliser dorénavant ce mot. La religion catholique, si centrale en Nouvelle-France dès le XVIIe siècle, a depuis été ébranlée par toutes sortes d’événements, jusqu’à la coupure entre l’État et l’Église lors de la Révolution tranquille. Nous voulons nous pencher davantage sur les tenants et aboutissements de cette évolution. Car ce malaise actuel à l’égard du religieux, du missionnariat, nous donne l’impression d’une société qui, se faisant, renie l’élan qui a favorisé son émergence et se coupe de ses racines — ce qui entrave sa marche vers l’avenir. Mais comment se réconcilier avec cet héritage? Notre but : aller aux sources de l’identité spirituelle des gens de notre collectivité, remonter le courant, en espérant trouver certaines réponses quant à un avenir commun que nous souhaitons le plus harmonieux possible. De plus en plus, nous croyons qu’il est de notre devoir de chercher ce « souffle » qui inspira toute une société, pendant des siècles, avant de se scléroser pour quasiment disparaître. Comment relire notre histoire, remettre les pendules à l’heure, mieux comprendre les agissements de nos ancêtres au lieu d’en avoir honte?

Les liens avec l’autochtonie

En tant que descendants de Canayens, en tant que Canadiens français ou Québécois, nous avons bien sûr de multiples liens avec l’autochtonie. Mais quels sont ces liens exactement? L’univers autochtonien, c’est le pays innu de la Côte-Nord et du Saguenay, le Nushimit, comme le pays cri de la Baie-James et plus particulièrement, en l’occurrence, le Nouchimii Eeyou, autour du grand lac Mistassini. Mais la vision autochtonienne, elle fait aussi partie de nous, de nous tous, Autochtones et non-Autochtones, grâce au métissage qui eut lieu pendant des siècles entre les coureurs de bois et les femmes des groupes papinachois, piekouagamiens, mistassins et autres. C’est dans la métisserie, en tenant compte d’une vision du monde qui croit plus aux vertus de l’« harmonie » que du seul « progrès », que nous comptons voyager entre Tadoussac et l’Antre de marbre. C’est cette autochtonie métisse qui nous fascine, nous intrigue et nous meut, animée d’une psyché encore nomade toute faite d’entraide et de solidarité, celle qui marqua le territoire de manière bien plus importante qu’on pourrait le croire. Le monde que nous souhaitons explorer est dirigé par des forces plus circulaires que linéaires. Ce pays de l’Antre de marbre n’est pas à nous. Nous ne le possédons pas. Nous reconnaissons la valeur de l’esprit nomade et amérindien, cet esprit sachant depuis des millénaires que le monde ne nous appartient pas. De manière autochtonienne, nous considérons que le pays, c’est nous, car nous faisons partie intrinsèque du pays. C’est nous qui appartenons au monde. Le territoire, c’est aussi nos membres, notre langue, nos yeux. Le monde est en nous autant qu’il palpite autour de nous. Voici un trait, parmi d’autres, de la psyché autochtonienne. La route sacrée, c’est une aventure inscrite dans l’autochtonie, de par sa nature, d’abord préoccupée par les humains rencontrés, qu’ils soient Chicoutimiens ou Innus de Masteuiastsh ou Chibougamois ou Cris de Mistissini.

L’exploration du territoire sur le mode aventurier et géopoétique

C’est au cours d’une expédition qui le mena jusqu’au Labrador que le poète Kenneth White eut l’idée du mot « géopoétique » : un mot jailli de puissantes interrogations au sujet des liens à rétablir et à enrichir entre l’Homme et la Terre. « Géopoétique » comme géographie d’un territoire à explorer de mille façons, mais particulièrement à pied et en canot, en respirant à fond l’oxygène et le langage du pays — folle équipée à travers les mots ouananiche, Piékouagami, banique, mélèze, salebarde, campe, bleuet, attisée. L’exploration géopoétique demande certaines connaissances scientifiques, c’est sûr, une attention toute logique aux choses et aux êtres, mais en parallèle à tous ces savoirs, il existe une nécessaire manière d’habiter le monde avec art et émotion, avec qualité. Explorer, ce n’est pas fouiller ou ratisser le monde pour être victorieux — du moins pas dans l’esprit qui nous anime. Explorer des lacs, des cascades, des chemins de gravelle, c’est regarder en soi la folie harmonieuse qui donne envie de caresser une feuille de potamot dans un muskeg ou de photographier le panache d’un grand orignal. C’est s’inscrire, aussi, dans la lignée des grands canoteurs et marcheurs de tout acabit, en particulier ceux nés au pays et ceux qui l’aimèrent assez pour « s’ensauvager ». La route sacrée a tout à voir avec une exploration géopoétique des lieux. Nous voyageons pour boire l’eau de l’Ashuapmushuan, pour pêcher quelques brochets dans certaines anses du lac Mistassini, pour rappeler qu’il y a dans le Moyen Nord des épinettes qui sont âgées de plus de deux cents ans. Bien des êtres sensibles reconnaissent que la véritable exploration de la planète ne fait que commencer. Cette exploration, elle est intérieure. Lorsque nous cheminons sur La route sacrée, ce sont des parcelles de l’Âme du monde que nous souhaitons rencontrer.