Deuxième jour

Textes 1 : Toutes isles et Le mal du Nord de Pierre Perrault

Textes 2 : Livre de Jonas, Lettre aux Romains – « La création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement. » (Rm 8, 22)

Contexte : matinée à Pessamit avec Ronald Bacon et la Wapikoni ; excursion aux baleines depuis les Escoumins ; coucher en camping

À Pessamit, un peu incrédules, nous retrouvons des traces du père Laure : chez Ronald Bacon tout d’abord, un Innu qui nous partage la quête qui l’anime depuis plusieurs années, pour laquelle il a utilisé la carte du jésuite (il nous en laisse d’ailleurs une copie — merci encore Ronald!) ; puis au centre communautaire, à côté d’où est garée la Wapikoni mobile : on présente des figures marquantes du territoire innu et le père Laure en fait partie. Sa carte est imprimée en gros format sur un panneau. Quelle synchronie! Et quelle belle entrée en matière pour notre expédition! En fin de matinée, après avoir visité le studio de la Wapikoni et échangé quelques mots avec Isabelle Kanapé et Geneviève Allard, en plein montage, nous repartons, en direction de Tadoussac. Nous dressons notre campement sur le bord du fleuve, juste après Les Escoumins, avant de rejoindre les « Écumeurs », qui nous mènent en zodiac sur le fleuve-mer, pour une observation de baleines. Entre 17 heures et 19 heures, nous allons à la rencontre de Gaspard, un rorqual à bosse qui évolue tout près de l’embouchure du Saguenay. À sept ou huit reprises, il souffle, fait surface et plonge, déployant son immense queue. Émotion de pouvoir admirer un tel cétacé, même de loin. L’océan sent plus que bon ; c’est comme l’odeur profonde de nos origines que nous inspirons, « la mer étant grosse d’événements cachés aux rivages… » (Toutes isles). Retour au camping où nous avalons un spaghetti. Il a fait frisquet sur la mer. Ici, à terre, c’est la joie. La voie lactée semble aimer nous regarder. Il y a bien du bruit autour de nous, ceux des appareils de ventilation des roulottes voisines, mais bon… Ainsi va la vie dans les campings modernes. Isabelle démarre le feu de camp. Pierre-Olivier sort son charango. Nous chantons, puis placotons de notre journée, de notre rencontre du matin, à Pessamit, avec Ronald, qui nous a parlé abondamment du « pays de la loutre », situé au nord-est de l’Antre de marbre. Contrée de ses rêveries les plus puissantes, de ses ancêtres et d’esprits qui lui donnent envie d’aller vivre là, en pleine taïga, pendant toute une année. Nous chantons encore, entraînés par Pierrot, au charango. Tout à coup, une employée vient nous avertir qu’il n’est pas permis de se servir d’un instrument de musique sur le site du camping, qu’on nous entend de très loin, que d’autres campeurs se sont plaints. Mais il est 21 heures 30! Fin de la discussion. La fête est brisée. Mais que fait-on du bruit des grosses roulottes qui laissent mugir leurs ventilateurs? Nous éprouvons, nous aussi, à notre façon, le « mal du Nord ». Nous partirons tôt demain. Vers le Nord, vers le Bois, dans un pays où il est permis de chanter quand il fait nuit.

Wapikoni_Pessamit

Dans la roulotte de la Wapikoni à Pessamit : montage du film d’Isabelle Kanapé avec Geneviève Allard

Voir la bande-annonce du film Le peuple perdu, racontant la quête de Ronald Bacon.

Isabelle Kanapé est un des personnages du film Québékoisie (2013) de Mélanie Carrier et Olivier Higgins. Elle travaille présentement à son deuxième court-métrage, réalisé avec l’aide de la Wapikoni.

2 réflexions sur “Deuxième jour

  1. J’aime bien cette rencontre avec Gaspard le rorqual à bosse. Et si lui aussi avait senti votre présence, votre vibration, encore plus fort que ce que nous pourrions concevoir… J’espère que cette salutation de sa part teintera votre quête d’unité avec les êtres de toutes races qui seront sur votre route. Je vous souhaite de rencontrer l’unité avec le vivant, sans séparation, ni jugement. Particulièrement avec la nature et les animaux, desquels nous avons parfois tendance, nous, humains, à nous séparer.

  2. J’aime cet appel à l’unité, à la symbiose avec le monde animal et même celui des plantes et des pierres. Les humains ont cette chance, comme bien d’autres êtres vivants (il faut y croire), de pouvoir prendre conscience de leur existence, mais aussi d’arriver à magnifier cette même existence grâce à la parole, grâce aux arts qui expriment une parole issue de loin, des entrailles de la terre comme du fond des océans comme de par-delà notre propre galaxie. Oser croire que nous sommes tous, en tant qu’êtres vivants, des passeurs d’une parole (tout comme d’une musique) qui fonde le monde depuis ses premiers pulsars, depuis le Big Bang et peut-être même avant!

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