Texte 1 : Walden ou la Vie dans les bois (Henry David Thoreau)
Textes 2 : traversée du Jourdain (3e chapitre du livre de Josué) ; guérison de Naaman le Syrien (5e chapitre du 2e livre des Rois) ; psaume 137
Contexte : visite de la petite chapelle de Tadoussac ; début de la remontée du Saguenay ; coucher à Chicoutimi
Dans l’auto : Une rose pour Isabelle (Roger Whittaker), C’est encore Dieu (François Pérusse), E Uassiuian (Kashtin), Ain’t No Grave (Crooked Still), Le grand loup blanc (Florent Vollant & Éric Lapointe), Astronaute (Damien Robitaille), Mamitunenitamun (Chloé Sainte-Marie), Society (Eddie Vedder)
Nous quittons les environs des Escoumins en milieu d’avant-midi, par un temps splendide, mais avant de prendre la route longeant le Saguenay, du côté est, nous faisons une halte dans la petite chapelle de Tadoussac, la « Chapelle des Indiens », dont l’entrée fait face à la baie, au fleuve, à la mer. Elle serait l’une des plus anciennes églises en bois de l’Amérique du Nord. Émouvant de la découvrir juste devant le célèbre hôtel où tant de visiteurs et d’Américains, dès le début du XXe siècle, aimèrent se ressourcer grâce aux lumières des levers de soleil entre Baie-Saint-Paul et les Îlets Jérémie. Tadoussac, « capitale » véritable de la Nouvelle-France, au XVIIe siècle du moins, haut lieu de rencontre entre les Indiens trappeurs et coureurs de rivières et les Européens négociants et marins. En 1641, sur un terrain « cédé » par le gouverneur Jean de Lauzon, une chapelle en pierre est bâtie — comme il est curieux d’apprendre que déjà à cette époque, des terres devaient être cédées, parce que « gérées » ou « possédées » par quelques nobles, alors que ces même terres étaient déjà habitées et parcourues et aimées depuis des lustres par les Indiens. Quand Monseigneur de Laval vient à Tadoussac en 1668, on raconte que 149 Autochtones furent baptisés. Nous imaginons son périple en bateau, de Québec jusqu’à l’embouchure du Saguenay, accompagné par des myriades de dauphins, de marsouins et de bélugas qui adorent s’amuser dans l’écume d’étrave du navire. C’est en 1747 que le père Claude Coquart fait élever l’actuelle petite chapelle, dont la construction se termine le 24 juin 1750. Date hautement symbolique! Merveilleusement, cette même chapelle a survécu et toujours elle fait face à la promenade de Tadoussac, humblement, avec son intérieur couvert de simples planches, donnant au fidèle l’impression qu’il s’assoit pour se recueillir dans le ventre d’un navire renversé.
Faste moment pour nous recueillir nous-mêmes, pour entendre encore une fois parler du père Laure, pour apprendre que des missionnaires, dont le bâtisseur de cette chapelle, ont côtoyé « l’homme de l’Antre de marbre ». Puis, avouons-le, nous sommes heureux de quitter le Saint-Laurent et ses rives peuplées, sa circulation haletante. Nous choisissons les bois, nous reconnaissant dans Walden : « Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu* ». Cette formule paraît soudainement unir notre quête à celle du père Laure, à celle des ensauvagés et des Indiens. Nous suivons les méandres de la rivière Sainte-Marguerite, dînons dans le petit village d’Anse-de-roche, accroché à sa falaise. Il fait beau, il fait chaud, nous voulons nous baigner. Nous aboutissons non sans heurts à la plage de Cap-Jaseux, face à un grand coude du Saguenay qui le fait paraître encore plus fluvial, sinon gigantesque. Lorsque s’approche un groupe de kayakistes, nous ne pouvons nous empêcher d’imaginer le père Laure, en 1720 ou 1725, en train de pagayer en compagnie de Papinachois ou de Piekoigamois. En fin d’après-midi, tout ragaillardis par cette baignade, nous arrivons chez François, le frère d’Isabelle, à Chicoutimi même. Si dorénavant on voit « Saguenay » sur les cartes, cette ville s’appelle encore Chicoutimi pour tout le monde : « tcheko timi », ce qui signifie en innu « Jusqu’où c’est profond ».
*Clin d’œil au personnage de John Keating joué par Robin Williams. Voir cette page.