On désacralise

On parle beaucoup à Waswanipi de la nouvelle entente entre Québec et les Cris. En espérant que ça mettra un frein aux horreurs du genre de ce qui est arrivé au très beau chemin pour aller au Lac Short… 

Jean, que certains Cris surnomment «Doctor Canoe» — il faut dire que son auto ne passe pas inaperçue — , a eu l’occasion d’en parler avec certaines personnes du village. Voici un poème en réaction à cette exploitation irrespectueuse de la forêt.

CheminLacShort

C’est le Nord et de toute évidence on s’en sacre

On spolie on désacralise

On crée des andins de bois mort

Dix mètres sur le bord des chemins qui crient

On déviarge on lacère on dilapide

Pour plusieurs la forêt n’est que matière première

Demandez aux épinettes centenaires

On déviarge on déconcentre on dépiaute

Demandez aux brochets solennels

Aux perdrix du Eeyou Istchee et de l’Abitibi

On déviarge comme si ce pays était nul

Seulement fait pour quelques chasseurs-pêcheurs saisonniers

Mais pas pour ceux et celles qui choisissent d’y habiter

On déviarge à coups d’idée fixe

Bravo s’il faut faire marcher l’économie

Mais pas en déviargeant massacrant décousant

Demandez aux ratons-laveurs aux rats musqués

Ce qu’ils pensent de ce grand débusquage

Un beau dimanche à Wendake

Un beau dimanche à Wendake, sur les bords de la chute Kabir Kouba, nous sommes une quinzaine de la Traversée à vivre la conclusion de trois journées géopoétiques consacrées à la rivière Saint-Charles. Sous le charme des chants d’Andrée Kwe’dokye’s qui s’accompagne au tambour. Comme en prière après la descente de deux tronçons de la Saint-Charles: pour un premier groupe, à partir du lac jusqu’à Château-d’eau­; pour un second groupe, à partir des Saules jusqu’à la Pointe-aux-Lièvres, pratiquement à l’embouchure du grand fleuve.

Une rivière en ville sur laquelle on peut canoter, des eaux pures qui coulent entre des grands boulevards, un cours d’eau qui n’a rien à envier à la Seine ou à la Tamise, le long duquel on peut marcher 32 kilomètres, de l’embouchure jusqu’au lac de charge, des saules géants juste à côté d’un boulevard nommé Hamel — cette autoroute aux dix mille camions lourds et aux cent mille néons clinquants (nous avons d’ailleurs été faire un tour au « paradisiaque » Québec-Broue, question de vivre pleinement la réalité des riverains de la Saint-Charles). Une rivière en ville, quand on a pris soin de préserver la vie sauvage de ses rives, c’est un arc-en-ciel dans l’urbanité, c’est un coin de paix dans le brouhaha d’un siècle aux espèces malmenées, c’est le contentement d’une femelle malard qui vient présenter juste à la proue d’un canot sa portée de six canetons. Remerciements aux êtres éclairés qui surent tout mettre en œuvre pour que soit préservée une nature sauvage d’une telle beauté, et en pleine ville!

Avons-nous véritablement rencontré Akiawenrahk? Chose sûre: la déambulation géopoétique et la poésie wendat nous ont émus, en ouvrant de nouveaux chemins d’appréhension du monde, d’appartenance à la réalité — complexe réalité entre la nature et la ville, entre le « sauvage » et le « civilisé ».

En ces temps de Vérité et de Réconciliation, nous avons accueilli ce chant d’amitié wendat le cœur grand ouvert… Merci Andrée! Tiawenhk!

Jean et Andrée ont monté ensemble le spectacle WendaKébec, qui a été présenté à Québec le 17 octobre 2014. Il y a de bonnes chances que le spectacle soit repris très bientôt. Nous vous tiendrons au courant via notre page Facebook

Forces métisses

En voyage au Dakota du Nord pour donner des conférences sur le monde nordique à l’Université de Grand Forks, Jean Désy entre en contact avec l’univers michif du Midwest. Une rencontre inspirante qui l’amène à ces réflexions.

Parmi les Français qui vinrent en Nouvelle-France au cours des premiers siècles de la colonie, il y en eut un fort nombre qui, à la manière de Louis Jolliet, aimèrent le pays pour ce qu’il recelait de possibilités nomades. Rapidement transformés en métis après quelques générations — « michifs » ou « mitchifs » ou encore « métchifs » —, ils contribuèrent à créer une société qui se répandit bientôt jusque dans le Midwest américain, et encore plus à l’ouest, jusqu’aux Rocheuses. Cette « société », en relative harmonie avec les nations autochtones qui, déjà, couvraient le territoire, et pour lesquelles le bison était la principale ressource, ne fut abruptement stoppée que par un puissant mouvement de colonisation qui traversa le Mississippi, nettement plus sédentaire celui-là. Des milliers de métis francophones habitèrent donc jusqu’au milieu du XIXe siècle, et sur un mode nomade, une vaste portion de l’Amérique du Nord.

Dans une série d’entrevues données pour un tournage qui eut lieu à la pointe d’Argentenay de l’île d’Orléans (et qui ont finalement mené à la publication d’un essai intitulé La nordicité du Québec, aux Presses de l’Université du Québec), Louis-Edmond Hamelin rappelle à quel point il importe que les gens du Québec finissent par trouver la force, le courage, sinon l’ingéniosité de couper le cordon ombilical qui les relie encore à la France… sans jamais nier toutes les qualités de la culture française au cœur de l’univers québécois. Mais la liberté du « tout Québec » ne peut que passer par une césure nécessaire d’avec le passé européen. Le pays du Québec fait plus que jamais partie de l’Amérique du Nord, une Amérique à la fois française, autochtonienne, « michif » et « cowboy ».

*

Invité par Virgil Benoit, un professeur de français de l’Université du Dakota du Nord, en novembre 2014, je me retrouve en train de marcher dans la petite ville de Grand Forks, sur le campus universitaire, à deux heures et demie de route de Winnipeg, pour aller donner une première conférence qui sera surtout en anglais, même si je compte lire un long poème d’inspiration nordique, en français, devant environ 75 personnes. Je sais que très peu d’entre elles parlent couramment le français. Sur ma route, je fais la connaissance d’un professeur d’origine franco-manitobaine qui enseigne à Grand Forks, qui a même passé plusieurs mois au Nunavik, à Inukjuak plus précisément, afin de poursuivre des travaux en sociologie. Quel plaisir de croiser, en plein Dakota, ce jeune homme parfaitement bilingue! Depuis mon arrivée, j’ai bien vu que la plupart des gens que je rencontrais n’étaient surtout pas gênés de se souvenir avec émotion des liens les unissant au monde canadien-français. Si, au cours du siècle dernier, ce sont cependant surtout des Norvégiens et des Allemands qui ont peuplé le Dakota, l’esprit « michif » demeure, en sourdine, répandu par des milliers de francophones, ceux-là même qui « ont couru l’Amérique », pour reprendre le titre d’un essai fameux de l’anthropologue Serge Bouchard et de sa compagne Marie-Christine Lévesque.

Au cours du souper, dans une grande salle, une famille michif donne le ton en créant sur place une musique étrangement ressemblante à la musique traditionnelle québécoise. Une jeune fille de quinze ou seize ans, devant tout le monde assis à différentes tables, se met à giguer, très sérieuse, pendant que son frère violoneux l’accompagne. On se croirait dans une soirée « canadienne », au temps de la jeunesse de Gilles Vigneault, à Natashquan, ou chez les Cris de Waswanipi, bien qu’on soit plutôt sur les bords de la rivière Rouge qui coule droit vers le nord et le Manitoba! Une communauté michif de 1500 personnes (les gens ayant du sang chippewa, cri, canadien-français et anglais) habite actuellement non loin de Grand Forks, dans le village de Lac-à-la-Tortue. Pendant la soirée, un professeur de l’université, enseignant en aéronautique, tient à me dire comment il a apprécié la conférence donnée plus tôt à propos du Québec et de son Nord, de son autochtonie et de sa culture, allant même jusqu’à proposer ses services, avec son petit avion, si jamais je souhaite un jour vivre un survol de la rivière Rouge. Quel accueil!

La journée du lendemain s’avère tout aussi exceptionnelle, commençant d’abord par une rencontre avec une trentaine d’étudiants, dans une petite salle de classe. La consigne m’ayant été donnée par le professeur Benoit de ne parler que français, tout se passe dans cette langue, face à des étudiants qui n’ont pourtant suivi que quelques cours dans leur vie, mais qui démontrent une réelle envie de l’entendre, même avec l’accent québécois! La lecture de plusieurs poèmes tirés du recueil Toundra, en français, avec leur version anglaise, suscite l’intérêt. Quelques heures plus tard, devant une assemblée de 80 personnes, Timothy Pasch, le professeur en communication d’origine franco-manitobaine rencontré la veille, y va de plusieurs questions à propos de la pratique de la médecine dans le Grand Nord. Parmi les gens du panel réunis pour la cause, puisqu’il est question d’autochtonie, un michif, avocat de formation, apporte une remarquable contribution à propos du monde amérindien contemporain, au Dakota plus particulièrement.

Pendant le souper collectif qui suit, fait de boulettes de viande, de tourtières et de tartes au sucre et réunissant quelque 150 étudiants, la jeune fille michif danse à nouveau plusieurs gigues, toujours accompagnée par son frère violoneux. Le poème Tuktu est ensuite récité pour une seconde fois, et seulement en français, bien que les nombreux « Tuktu » des derniers vers, qui simulent une galopade de caribous, soient remplacés par plusieurs « Buffalo, Buffalo ». Certains michifs présents arborent fièrement la ceinture fléchée!

Quel monde! Au cœur des États-Unis d’une Amérique bien plus diversifiée qu’on peut le croire, comme si, plus que jamais, il fallait faire la différence entre « Étatsuniens » et « Américains ».

*

« Je suis d’une Amérique d’épinettes noires bien plus que de chênes ou de tilleuls. Je ne désespère jamais d’un peu plus de chaleur. Lorsque je me promène dans une rue de la Grosse Pomme, je suis vite hypnotisé par l’american dream et les brumes de Broadway. Je rêve parfois de pousser une pointe vers Key West, jusqu’au quai décrit par Michel Tremblay dans son roman Le cœur éclaté, là où le soleil se couche sur les Caraïbes comme nulle part ailleurs. Il n’y a peut-être que le soleil qui tombe devant Trois-Pistoles qui ait des pouvoirs plus hallucinants.

« Je ne suis plus européen depuis des lustres. Je l’affirme : je ne veux plus rien devoir aux colonialismes de la vieille Europe. Je suis d’une Amérique située au nord-est d’une mer anglo-saxonne. J’aime croire que je me bats contre tous les impérialismes. J’aime envoyer quelques signaux de fumée jusque chez mes amis d’Amérique latine.

« Je ne renie surtout pas la France, ce pays-jardin situé de l’autre côté des Grands Bancs de Terre-Neuve. Je ne renie surtout pas la langue de France, celle qui m’a forgé en nourrissant ma propre imagination. Mais ma langue actuelle n’est plus celle de la France. Ma langue est québécoise, remplie de bouscueils et de glaciels répandus sur d’infinis estrans. Ma langue est faite d’une nordicité tissée d’amérindianismes. Elle est d’un territoire compris entre les baies d’Hudson et d’Ungava et l’océan Atlantique. Ma langue est réinventée ces années-ci par des Louis Hamelin et des Rita Mestokosho.

« Je suis d’une Amérique qui fut depuis des milliers d’années habitée par des êtres qui m’ont appris l’art de marcher sur la neige sans y enfoncer, qui m’ont enseigné les manières de remonter les rivières en canot sans défaillir. Cela m’importe plus que jamais. Cela m’importe plus que l’histoire des rois de France, plus même que la conquête britannique qui continue néanmoins de déterminer le cours de mon existence.

« Je suis d’une Amérique poussée vers ses côtes les plus déchiquetées. Cela me force à travailler dur, à me battre avec mes rêveries les plus paisibles comme les plus délirantes ou les plus créatrices. Je rêve d’une métisserie amériquoise. Et quant à l’anglo-saxonie mondialisante contemporaine, je me dis qu’avec les amours et les amis, nous finirons bien par l’amadouer sans y sombrer tout à fait. »

EspritduNord

(Texte tiré de L’esprit du Nord/ Propos sur l’autochtonie québécoise, le nomadisme et la nordicité, publié aux éditions XYZ en 2010.)

Une voie de sacralisation

C’est en passant quelques jours dans le village de Mistissini, invités par des amis de Pierrot (voir les jours 8 et 9 de l’expédition), que nous prenons note que les Cris sont en train de se construire un monde de grande qualité, tout à fait inscrit dans les réalités du Moyen Nord, avec bien des techniques modernes, certes, mais en parvenant – c’est notre impression – à conserver un réel dialogue entre les jeunes et les aînés, entre les trappeurs et les avocats, entre le Nord et le Sud. Ce bref séjour nous laisse songeurs devant les réalités de notre monde sudiste, cette société dorénavant en mode « austérité », qui s’agite à qui mieux mieux sans donner l’impression de savoir réellement où elle va.

Bien des gens sentent et reconnaissent le no man’s land spirituel qui a pu s’installer dans les mœurs de notre pays, pressentant du même coup que la civilisation qui est la nôtre se dirige vers un certain cul-de-sac, à la fois idéologique, sociologique, politico-philosophique et écologique. La voix autochtone, qui n’est heureusement pas morte, propose de ne pas oublier cette obligation que nous avons de ne faire qu’« un » avec la nature. Et cette voix, plus particulièrement ces années-ci, semble à nouveau entendue et écoutée. On pourrait la qualifier de « troisième voie », prise qu’elle se trouve entre deux grands courants de pensée : les voies environnementales et développementales.

Une vision écologiste et environnementale pure et dure a tendance à exclure les êtres humains des territoires en les considérant comme les grands responsables de toutes les destructions, au point où l’on perçoit, sous le discours d’un amour inconditionnel pour les animaux et les plantes, une certaine haine envers l’humanité. La vision développementale, quant à elle, se fout éperdument du territoire et des lieux, comme des êtres peuplant ces mêmes lieux, ne cherchant à n’utiliser les forces de la nature que pour les exploiter, au profit de quelques grandes ou petites compagnies, qui très souvent, cependant, œuvrent avec sincérité — bien que ce soit ultimement pour leur propre profit —, afin de nourrir et d’équiper l’humanité en marche.

Vouloir sacraliser par la force un territoire (un parc national, par exemple), en l’encadrant à tel point que mille et dix mille règlements finissent par entraver la vie des humains qui ne peuvent même plus s’y rendre comme ils veulent, à leur manière, ou quand ils le veulent, sous le fallacieux bien qu’utile prétexte (en apparence) qu’il faut des lois pour « protéger » ce même territoire, eh bien, ce type de sacralisation forcée ne représente-t-il pas tout le contraire du sacré? La vision autochtonienne, celles des Indiens, n’est pas celle-là et ne l’a jamais été, car ces gens, issus de la nature et y pactisant sous un mode le plus souvent nomade, n’acceptent pas de faire une distinction étanche entre un Indien qui court le bois et le bois lui-même. La vision autochtone, essentiellement, est « une », centrée sur l’Unus Mundus (dont a tant parlé Carl Gustav Jung, entre autres), et en cela, elle me semble sacrée.

Une rivière en soi n’est pas sacrée. Le monde « est », tout simplement (toujours se rappeler cette parole de Pessoa dans son recueil Le gardeur de troupeaux). Ce n’est pas l’humain qui a le pouvoir de sacraliser le monde, du haut de sa prétendue intelligence. Ce serait trop facile de croire qu’on peut sacraliser ce qu’on veut, une idéologie comme un diktat politique, par les détours du seul intellect. Ce n’est pas ainsi que sourd le sacré. Oser penser qu’on a le pouvoir de sacraliser quoi que ce soit est prétentieux — et quels dangers, toujours, associés à l’attrait du pouvoir, si contraire à l’amour vrai. En cela, l’humain n’a cessé et ne cesse de jouer à Dieu. De cette façon, toujours un peu plus, il tue son monde en se tuant, en se polluant. À mon sens, si le sacré s’inscrit dans les choses et dans les êtres, c’est à travers ce qu’on pourrait nommer, à la manière taoïste, une espèce de « non-être », qui se manifeste quand l’être humain accepte de se muer en rivière, en caillou, en geai bleu, en nuage, en enfant de deux ans. Voilà l’essence de toute sacralisation du monde : donner sa vie, en échange du merveilleux et du sacré qui en jaillit.

Si l’on ne devient pas soi-même rivière, si l’on ne se fond pas au courant et aux bouillons quand on canote, eh bien, les risques apparaissent tout à fait réels qu’on puisse se noyer en dessalant subitement. Être rivière et boulder et algue et petit poisson, voilà ce que peut atteindre l’être humain, voilà peut-être l’une des qualités de l’homo imaginens, de l’humain imaginatif pourrait-on dire, dans la mesure où c’est lorsqu’on se transforme en rivière qu’on peut véritablement aimer une rivière. Peut-être n’y a-t-il véritable amour chez l’humain que lorsqu’il accepte de faire taire les manifestations de son ego pour fusionner avec l’autre, pour « communier » avec l’autre. Communiquer n’est qu’un premier pas, toujours, vers la communion entre les êtres, beaucoup plus essentielle, mais d’ordre aussi irrationnel que rationnel. On communique en paroles ou par gestes pour se faire comprendre, intelligemment. On communie pour aimer et se laisser aimer. Alors, et seulement alors, le sacré naît. Alors, en communion avec le monde (et l’Autre), le sacré se manifeste.

Donner sa vie tout entière aux forces d’une rivière qui coule et qui chante, c’est accepter de perdre sa vie, à chaque instant, comme au bout de ses jours, assurément, mais pour arriver à ne jamais la perdre, cette vie sacrée, au cœur de l’éternité de toutes les rivières qui coulent à travers les âges dans toutes les galaxies.

* * *

Au dixième jour de notre expédition, avant la traversée des deux cents kilomètres de forêt entre Chibougamau et La Doré, nous faisons halte au « Sentier du bonheur », créé par des amis de Pierrot et qui sert de lieu de culte ainsi qu’à plusieurs activités culturelles en plein air pour les Chibougamois. Ce Sentier se trouve en forêt, à une dizaine de kilomètres de la ville. Ses installations, comme cela se passe souvent avec les installations « à l’indienne », ne sont en rien barrées ou cadenassées. Bien qu’il n’y ait personne aux alentours, nous pouvons facilement entrer dans la chapelle pour nous y recueillir. Nous réfléchissons.

Un nécessaire renouveau de la nation québécoise ne pourra s’opérer avec harmonie sans la présence de la voix autochtonienne. Cette entreprise repose sur une reprise en main de notre histoire comme de nos racines, grâce à un dialogue qui n’a probablement plus été authentiquement réalisé depuis le milieu du XIXe siècle. Ensemble, nous devons dire notre pays, notre territoire. Tous, habitants d’un territoire nommé Kébec, nous devrons assimiler l’hiver en y prenant plaisir plutôt que de vouloir constamment fuir notre intrinsèque géographie. Tous, nous devrons assumer notre passé, malgré les blessures et toutes les misères du colonialisme, en prenant la décision, éclairée, de ne pas jouer la carte de la victimisation. Ce projet de société ne se réalisera pas sans la remise en forme des valeurs spirituelles et humanistes qui ont forgé le pays. La parole interreligieuse demeure essentielle, peut-être aujourd’hui plus que jamais, comme toute parole visant à réconcilier des visions du monde différentes, sinon opposées. 

Entre un écologisme exagéré et une vision développementale tous azimuts, la sacralisation du monde ne peut que provenir d’une insertion plus totale et plus poétique (osons le dire) de l’être dans le monde, la qualité de cette insertion dépendant de la force d’amour investi.

CanotTshirt

Quand nous étions rivière…

 

Si je ne deviens rivière
Je dessale et je me noie
Si je ne suis pas eau vive
Je ne sens rien du sang dans ma gorge
Si je ne deviens pas rameau
je ne supporte aucune neige
Si je ne suis pas rocher accore
Je ne m’ancre à aucune terre
Si je ne deviens nénuphar
Je ne connais pas l’incandescence
Les chatoiements et la couleur
La frénésie des libellules en juin
L’endormissement des crapauds l’hiver
Si je ne suis pas grande oie blanche
Je ne vole nulle part
Ailleurs que dans l’infime chez moi
Entre deux clôtures et des néons
Je me dois d’être étoile polaire
Pour ne pas perdre ma toundra
Si je ne suis pas sarracénie
Je ne comprends rien aux maringouins
Je meurs de faim dans les muskegs
Je tue chaque insecte par peur du noir
Si je ne marche pas jusqu’à plus soif
Je deviens sec et capricieux
Si je ne deviens pierraille de ruisseau
Je ne connais rien des sauts de truite
Ni du chant des cygnes trompettes
Ni des murmures des ajoncs sauvages
Si je ne deviens faîte de grand pin
Je ne sais rien du silence
Ni des nuages et si et si
Quelles que soient les constatations
Je me dois aux rivières et aux fleuves
À ma source comme à mes lacs
À ma terre d’épinettes noires
Garnissant mes pics de granit
Car je suis montagne qui me domine
Je suis souriceau qui trottine
Je suis potamot qui me nourrit
Je suis épervière qui éblouit
Car si je ne deviens falaise
Je ne connais rien du vertige
Cette éblouissante sensation
Que j’appartiens à l’éternité
Collée à mon ventre
Comme un trottinement dans ma tête
Certains soirs de novembre
Quand frasils et gouttes d’eau
Captent mon âme
De manière à me convaincre
Que si je ne deviens poussière
Je ne peux tout simplement
Pas espérer plus longtemps
Respirer

Entre le religieux et le poétique

Comme cela nous arrive si souvent lorsque nous voyageons en auto tous les trois — Isabelle, Pierrot et moi —, nous jasons, intensément. Cette fois, la discussion porte sur la nature à la fois poétique et religieuse de certains textes.

Pierrot nous rappelle qu’en ce qui concerne les Évangiles, ce sont des apôtres qui ont choisi de colliger la parole du Christ. Pour les chrétiens, les quatre évangélistes ont été des humains bien de leur temps et même si on peut dire que, de toute évidence, ils ont été « inspirés », ils ont cependant agi en tant qu’« auteurs », pareils à des poètes, ce qui diffère passablement de la vision des musulmans qui ne considèrent pas Mahomet comme étant l’auteur du Coran, mais simplement son messager. Pour eux, c’est Dieu lui-même qui est le véritable auteur de ce texte sacré.

Si les chrétiens s’entendent pour parler du « divin » qui sourd des Évangiles, la grande énigme, peut-être, demeure cet autre « divin » qui paraît s’inscrire dans certains textes non religieux, essentiellement poétiques. Serait-ce que les artistes, les écrivains par exemple, peuvent parfois se faire les instruments d’une voix plus universelle ou, disons-le, plus cosmique, sinon « divine », rendue accessible à l’humanité grâce à leur travail, certes, mais aussi grâce à leurs intuitions et à leurs perceptions? Les évangélistes ont été inspirés, traversés par la parole du Christ. En ce sens, leurs textes demeurent des incontournables, pas seulement pour les esprits religieux, mais pour quiconque, aussi, aime croire en la valeur de la littérature. Si plusieurs textes sacrés, tels le Tao-Tö-King, le Coran, la Torah ou la Bhagavad-Gita, doivent être offerts comme lecture aux étudiants du monde entier, il ne faut pas négliger des auteurs comme Homère, Sophocle, Shakespeare, Goethe, Molière, Dostoïevski, Hesse, Kazantzakis, Camus, Garcia Marquez ou Saint-Denys Garneau, tout aussi incontournables si on accepte de croire en la valeur de la Parole comme manière d’être, d’agir et de pacifier.

Pierrot dit alors que « pour le croyant, le texte religieux est à la fois issu d’une inspiration humaine (provenant du « moi » de l’auteur) et d’une inspiration divine. Dans le texte poétique, c’est l’humain qui continue, à la fine pointe d’un désir en lui, de tendre vers quelque chose qui, parfois, le dépasse, rendant ainsi l’humanité capax dei : capable de Dieu. » Isabelle se demande à ce moment « quelle différence fondamentale y a-t-il entre le Cantique des cantiques, inscrit dans la Bible, et La marche à l’amour, de Gaston Miron? » Ce long poème québécois, qui semble avoir été composé dans le plus pur élan d’amour humain, ne manifeste-t-il pas lui aussi, en quelque sorte, une parole divine, un souffle universel?

Créer peut être d’une grande prétention chez les humains, même chez les artistes les plus accomplis, qui doivent accepter d’être le plus souvent accaparés par un phénomène de « recréation » plus que de création. Tout artiste doit même à l’occasion se laisser glisser dans des situations de profonde instabilité physique et surtout psychique, « recréant » ainsi la tension nécessaire existant entre l’utopie et le texte, entre le « pas-encore » et le « déjà-là ». C’est ainsi qu’adviennent les œuvres. Pierrot nous rappelle qu’au cœur de la tension eschatologique, les paroles poétique et religieuse nous disent que « non, ce monde ne peut pas être accompli : ce monde se trouve plutôt en plein accomplissement ». Mais comment dire ce monde? De quel droit l’artiste se pose-t-il comme co-créateur? Quelle exigeante mission! Isabelle de citer le poète Rainer Maria Rilke qui dans Les cahiers de Malte Laurids Brigge écrivait ceci :

Rilke

Comble de paradoxe, toutefois : ce fut entre 16 et 19 ans que Rimbaud, sans avoir vécu le monde autant que le suggère Rilke, en arriva à produire, pour ne pas dire à « créer », un chef-d’œuvre comme Les Illuminations. Mais celui-ci ne travaillait-il pas à se rendre « Voyant », cherchant à « arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens », à saisir, d’une certaine manière, le plus-que-réel dans le réel — une quête qui pourrait s’apparenter à celle du croyant?

De forts liens semblent exister entre les paroles religieuse et poétique. Le texte de la Genèse, qui remonte à 2700 ans, sert encore de balise à d’innombrables croyants. Le fait que tant de personnes aient avant nous parcouru ce texte nous permet d’associer notre propre démarche à celle de toute une famille en mouvement, une « communauté ». De la même façon, un texte poétique d’Homère, de Shakespeare ou de Rimbaud nous atteint peut-être dans ce qu’il y a de plus « divin » en nous.

Pierrot conclut notre discussion en citant (de mémoire) l’Évangile de Jean qui se termine par cette phrase énigmatique : « S’il avait fallu que je raconte tout ce que le Christ a fait, le monde entier n’aurait pas été assez grand pour contenir ce texte. »

Offrandes nomade et sédentaire ou comment plaire aux narines de Dieu

Alors que nous sommes sur la route du retour, à mi-chemin entre Chibougamau et Saint-Félicien, la discussion porte sur le nomadisme et la sédentarité. Isabelle s’interroge à propos du texte de la Genèse, dans lequel il est dit que Caïn aurait tué son frère, Abel, parce que, devant Dieu, les offrandes de celui-ci avaient « meilleure odeur ». Sinistre histoire de jalousie… Pour Pierrot, les chapitres de la Genèse traitant du meurtre d’Abel pourraient être la représentation d’une agression que les nomades vont subir tout au long de l’histoire humaine, ceux-ci finissant inévitablement par être repoussés dans les marges de la plupart des territoires occupés par les sédentaires.

Du point de vue du nomade, constamment appelé à se déplacer pour des raisons de survie, entre autres, en tant que chasseur-cueilleur, l’homme est celui qui « fait la terre » en marchant dessus, du sud au nord comme de l’est à l’ouest. Pour le sédentaire, l’homme est celui qui cultive la terre et la fait fructifier, la subsistance de la majorité étant assurée grâce à une utilisation laborieuse des ressources disponibles. La différence entre les deux visions du monde est fondamentale : le nomade, par essence, ne reste jamais longtemps à la même place, alors que le sédentaire, lui, développe son lieu de manière à se l’approprier de façon définitive. S’opposent ainsi, depuis que l’homme est homme, deux modes d’habitation, deux façons d’être dans le monde, qui n’ont à peu près jamais trouvé, dans les faits, un ancrage commun.

Pierrot se souvient d’un échange tiré du court métrage réalisé par Isabelle, Le prêtre et l’aventurier, où il est question de cette vérité très nomade : tout pays ne peut vraiment appartenir qu’à celui qui l’habite et le parcourt. Les sédentaires pourraient rétorquer que tout pays n’appartient vraiment qu’à celui qui le possède en l’ayant conquis ou acheté.

Les Québécois ont jusqu’ici permis que l’espace nomade puisse coexister avec l’espace sédentaire, grâce à une géographie et à un climat qui ont laissé la nordicité relativement vierge des assauts d’une civilisation industrielle profondément sédentariste et sédentarisante. S’il est certain que plusieurs Français sont venus en terre de Kanada, dès les débuts de la colonie, pour s’y installer en tant que cultivateurs, la présence des Indiens et l’économie même du pays, vite concentrée autour de la traite des fourrures, ont favorisé un mode de vie nomade qui, en lui-même, a fortement contribué au métissage. Il est incontestable que bien des coureurs de bois français ont aimé les Indiennes, celles-ci ayant la liberté, selon leurs coutumes, de choisir leurs amants et amoureux, de la même façon que certains Indiens ont aimé s’associer à la vie des Françaises (comme des Anglaises, des Écossaises ou des Irlandaises). Ce nomadisme fait de métissage physique tout autant que de métisserie culturelle a provoqué la rencontre intime de deux groupes issus de cultures extraordinairement différentes.

Il ne faut pas oublier que l’éclosion d’un monde métis tout à fait original a été brisée, sinon littéralement anéantie, à partir du milieu du XIXe siècle, par des facteurs sociétaux autant que religieux, qui poussèrent les élites comme les gens au pouvoir à inciter le peuple à un retour à la terre de même qu’à des valeurs essentiellement sédentaristes, agricoles et parfois ouvrières liées à la révolution industrielle déjà amorcée depuis plus d’un siècle en Europe. Il faut savoir qu’à partir du milieu du XIXe siècle se sont manifestées d’évidentes volontés gouvernementales de sédentariser puis d’assimiler les nordistes qui avaient depuis toujours parcouru le continent, du Labrador jusqu’à la Baie de James. Mais force est de constater que plusieurs nations autochniennes du Nord québécois trouvent encore une manière de vivre harmonieuse selon les règles du nomadisme. Jamais les Cris de la Baie-James ne se sont probablement autant déplacés qu’au cours des vingt dernières années, à travers l’immensité d’un Eeyou Istchee couvrant quasiment 25% du territoire québécois, en profitant d’une conjoncture économique favorable, en partie liée aux accords de la Baie-James, et surtout à la Paix des Braves, en plus d’un réseau développé de chemins de bois et de ponts bâtis par différentes compagnies forestières.

Route_PaysCri

Les Cris voyagent ; ils ont toujours aimé voyager. Les Cris de Waswanipi ou de Mistissini, dans l’inland de la Jamésie (le Nouchimii eeyou) partent parfois en famille, avec armes et bagages, pour des périodes pouvant dépasser les trois ou quatre mois, simplement pour aller visiter des membres de leur famille dont les maisons ou les campes se trouvent dans le Winnebeoug Eeyou, sur les rives de la Baie-James. Les Cris de Chisasibi ou de Waskaganish n’hésitent jamais à se déplacer sur des milliers de kilomètres afin d’aller magasiner à Val-d’Or ou de se faire soigner à Montréal ou à Ottawa. Nomades depuis des lustres, ils n’ont donc rien perdu de cette fonction psychique qui les pousse à se mouvoir, en groupe très souvent, pour des raisons physiques, pragmatiques ou même poétiques.

Les liens de métissage ayant été fort nombreux, pendant des siècles, entre Européens et Autochtones, il ne faut pas se surprendre que tant de Québécois adorent partir, en auto, en avion, en campeur ou en traînant une roulotte, en direction du sud étatsunien ou vers la Floride, parfois pendant des mois. Il y a bien sûr dans ce comportement collectif un refus de l’hiver et de l’intrinsèque nordicité du pays d’origine. Mais aussi, il se manifeste là un goût du déplacement nomade qui coule encore dans les veines d’une portion non négligeable de la population québécoise.

Pour notre part, nous avons vécu cette Route sacrée sur le mode nomade, jusqu’à la Colline blanche de la Témiscamie, humant avec grand plaisir l’odeur sucrée des épinettes tout comme les senteurs âcres des muskegs environnants. Notre voyage s’est déroulé en grande partie au cœur même d’un « pays » indien et nomade, si l’on pense aux Innus et aux Cris (les déterminants tels que « piékouagamois » ou « mistassin » n’étant plus utilisés aujourd’hui, comme c’était le cas au XVIIIe siècle), mais aussi aux Blancs qui choisissent d’y habiter : nos amis chibougamois Julie et Marcel étaient justement en train de déménager à Mistissini, prévoyant alterner entre cette nouvelle maison et leur campe au lac Chibougamau ; Suzanne nous a parlé de son pèlerinage à l’Ermitage Saint-Antoine de Lac-Bouchette (c’est d’ailleurs grâce à elle que nous y sommes arrêtés au onzième jour de notre expédition) ; Janique et Carol revenaient d’un séjour au Pérou et ne comptent plus le nombre de fois où ils sont allés visiter des proches à Québec et un peu partout dans la province, ceci s’ajoutant aux séances de camping, aux voyages de chasse, aux expéditions de pêche, etc. Vivre aussi « loin » suppose-t-il d’être un peu nomade? (Ici, il faut relativiser. Marcel nous partageait justement cette prise de conscience qu’il avait eue en réaction à cette idée que le Nord, « c’est loin » : « Pour nous autres, Chibougamau, ce n’est pas loin : c’est chez nous! »)

Alors que nous approchons d’un petit lac où nous comptons nous baigner — il fait chaud sans bon sens, malgré la fin de l’été, dans ce Moyen Nord peut-être en voie de réchauffement accéléré lui aussi —, Isabelle s’interroge à nouveau sur les raisons qui ont fait que les offrandes d’Abel purent avoir « meilleure odeur » pour Dieu. Pourquoi celui-ci apprécia-t-il plus les offrandes d’un nomade, contribuant à aiguillonner une meurtrière jalousie chez son frère sédentaire? De l’avis de Pierrot, ce passage de la Genèse pourrait être la représentation toute symbolique de l’histoire du peuple juif lui-même, ce peuple n’ayant à peu près jamais eu de « chez lui » stable au cours de son histoire, hormis pendant de courtes périodes, d’ailleurs toujours mouvementées, au contraire de la plupart des autres peuples. C’est comme si le destin du peuple juif était lié à sa « nomadité intrinsèque », une espèce d’éternel nomadisme qui a contribué à forger la diaspora. L’histoire de Caïn et de son passage à l’acte contre Abel serait la démonstration de l’éminent danger qui existe dans toute forme de sédentarisme exacerbé par l’accumulation de trop de biens. A contrario, l’offrande d’un nomade qui n’a pas l’habitude de thésauriser plaît aux « narines de Dieu ».

Pierrot tient à citer l’auteur René Girard qui considère que le désir mimétique, converti en jalousie, fait que l’être humain, à force de souhaiter être comme l’« autre » (surtout si les offrandes de cet autre plaisent plus à Dieu que les siennes), ne peut que finir par vouloir éliminer cet autre s’il ne parvient pas à s’identifier à lui. Par ailleurs, toujours selon Pierrot, on peut considérer que bien des rivalités furent apaisées, au cours de l’Antiquité, grâce aux sacrifices offerts aux différents dieux. En se sacrifiant lui-même, Jésus fit en sorte de libérer l’humanité du besoin d’offrir des sacrifices. Il n’en demeure pas moins que le prix à payer pour cette libération est que les sociétés n’ont plus vraiment trouvé d’exutoires à leurs propres violences intérieures, ce qui expliquerait, partiellement bien sûr, que la civilisation chrétienne ait souvent été si violente. Pour Pierrot, plusieurs sociétés intimement associées au christianisme n’ont pas su s’imprégner réellement du message et de l’expérience christique.

 

L’humour en canot

Peut-on douter que le père Laure, en 1730, en compagnie de ses guides innus, pendant les longues semaines, sinon les longs mois qu’il passa en canot, peut-on douter que souvent, très souvent, il fit des blagues, et échangea des blagues, et de bonnes blagues, qu’il fut la tête de Turc des Indiens qui connaissaient le pays de la Témiscamie quand lui n’en connaissait rien, mais que, tous ensemble, ils rirent, oh, pas tout le temps, mais souvent, quand le temps, justement, et les grands vents et les pluies diluviennes leur laissaient la force de rigoler et de bivouaquer en paix, sans les assauts trop furieux des mouches noires ou des cérotopogons, sur les rives des cours d’eau qui les montaient jusqu’au Nord, qui les élevaient véritablement vers ce Nord auquel ils aspiraient? Peut-on douter du sens de l’humour indien, qui existe depuis bien plus longtemps que la fondation de la colonie de la Nouvelle-France au XVIe siècle? Non. Si on connaît un tant soit peu les Indiens d’aujourd’hui, et particulièrement les nomades du Nord québécois, on ne peut douter que du temps du père Laure, ces gens savaient rire, et aimaient beaucoup rire, car encore maintenant, ils demeurent de fervents partisans de l’humour quand il s’agit d’accroître la qualité de leurs vies. Quant au père Laure, rigolait-il avec ses guides? On peut répondre oui à cette interrogation quand on connaît certains prêtres, comme Pierre-Olivier, qui fait partie de l’équipe de La route sacrée, qui ont un sens de l’humour réjouissant. Notre ami a choisi de consacrer sa vie au service des autres et de leur spiritualité, tout en croyant en la haute valeur de la sérénité — et de l’humour — pour accéder au « sacré » du monde.

Devant_le_lac

Devant le lac Mistassini

Bien sûr que la vie est parfois difficile! Bien sûr que l’existence peut s’avérer d’une rudesse sans nom! Bien sûr qu’en 1730, les conditions de voyagement n’étaient pas celles qui sont offertes par les aéronefs hyper modernes qui permettent aux touristes de traverser l’Atlantique nord en moins de six heures de vol! Mais le père Laure et les Innus qui aimaient l’accompagner n’eurent pas à patienter une seule minute dans un aéroport bondé ni à subir les fouilles intempestives des agents de la paix à la recherche de possibles terroristes internationaux. Quand ils décidèrent de décoller dans leur canot, l’embarquement ne fut l’affaire que de quelques instants. Ce fut alors que leur puissante aventure s’amorça, celle-ci, indubitablement, étant vécue en riant et en chantant. Le père Laure et les Innus, en état de « quête » profonde, se trouvaient aussi en état d’humour. Ce sont ces deux états amalgamés qui permirent que leur rêve de la Colline blanche, située au beau mitan d’un pays gigantesque, puisse se réaliser. Parvenus à l’Antre de marbre, on peut penser qu’ils se congratulèrent, qu’ils rirent de bon cœur — après avoir subi tant d’épreuves physiques —, puis qu’ils gardèrent silence afin de méditer ou de prier, un sourire en coin.

C’est ainsi, du moins, que nous avons vécu notre aventure, si modeste soit-elle en comparaison à celle du père Laure et de ses guides.

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C’est un peu en écho à l’article Pepkutshukatteu que Pierrot et Jean inventèrent ce petit délire en canot, lors d’une pêche mémorable sur le lac Mistassini, au neuvième jour de notre expédition.

Onzième jour

Texte 1 : Betsi Larousse (Louis Hamelin)

Texte 2 : à venir

Contexte : de Mashteuiatsh à Sainte-Brigitte-de-Laval, en passant par Lac-Bouchette

Dans l’auto : Hymne acathiste, Salve Regina (Francis Poulenc), Misa Criolla (Ariel Ramirez), Le vent nous portera (Noir Désir), Abbey Road (The Beatles)

L’expédition tire à sa fin. Pourtant, rien ne nous paraît terminé, bien au contraire. Tout va se poursuivre, La route sacrée n’en étant qu’à ses premiers milliers de kilomètres. Cette « route » est un chemin nomade, pérenne, tourné vers l’avenir, mais fortement ancré dans l’Histoire, dans notre histoire à nous, habitants de la péninsule Québec-Labrador, comme aime la nommer le géographe Louis-Edmond Hamelin.

Au cours de ce périple vers l’Antre de marbre, comme lors du retour, nous avons volontairement souhaité amalgamer les univers de la matérialité et de la spiritualité. Le voyage en canot sur la Témiscamie, précédé de la visite à Pessamit et de la rencontre si intrigante avec Ronald Bacon, elle-même suivie par plusieurs rencontres fort émouvantes, à Chibougamau et à Mistissini, ne sont que des préludes à plusieurs mois, sinon à des années de nouvelles aventures que nous vivrons pour écrire, raconter et rencontrer, encore et encore, pour filmer, photographier et mieux partager nos trouvailles et nos réflexions. Suivre les traces d’un missionnaire qui aima profondément le pays, au début du XVIIIe siècle, ne peut que contribuer à notre quête identitaire, encore si essentielle dans la société où nous évoluons à ce moment-ci. Nous sentons l’importance de discuter, sans faire preuve de prosélytisme, sans trop insister sur la foi et la théologie, sans vouloir convaincre qui que ce soit des valeurs actuelles du catholicisme, qui survit malgré tout, en terre québécoise, considérant plusieurs décennies, sinon des siècles de grandes souffrances imposées par le phénomène religieux — d’où ce mot quasi tabou de « religion », maintenant, au Québec. Nous sentons aussi, plus que jamais, l’importance de camper, d’admirer des baleines, ou de simplement canoter sur une rivière hautement nordique. Le sacré se trouve là où on le cherche. Restons en quête pour aborder certains lieux qui ne se dévoilent pleinement que dans cette ouverture. Car le « sacré du monde » ne doit-il pas être constamment recherché pour se manifester?

Sur la route après Mashteuiatsh, en direction du parc des Laurentides, Pierre-Olivier nous propose un détour par le lac Bouchette et l’ermitage qui s’y trouve, un des quatre grands lieux de pèlerinage du Québec (avec l’oratoire Saint-Joseph, le sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap et la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré). Un certain Elzéar Delamarre, au début du siècle, grâce à une foi inébranlable, rêva de ce site, sur la rive nord du lac, qui devint, avec le temps, un lieu où nature et spiritualité se marient d’une manière absolument réussie : la « petite grotte de Lourdes », le monastère comme la grande église, tous entretenus par les capucins, s’amalgament avec art aux épinettes blanches et aux bosquets de fleurs vivaces. Un homme fort du Québec, Victor Delamarre, est venu prêter main forte — c’est le cas de le dire — à son oncle Elzéar pour l’édification de cet ermitage. Comptant comme à notre habitude sur un certain hasard, nous gravissons l’escalier menant à l’église pour arriver au début d’une célébration. Trois jeunes filles assurent le chant. Il y a aussi un organiste. Nous songeons à certains instants de grâce, vécus au sommet du mont Saint-Michel, en Bretagne, ou dans la nef de l’église du Sacré-Cœur, en plein Paris… Une magie opère ; oserait-on la qualifier de « mystique »? Nous sommes heureux, tranquillement heureux. Alors, nous chantons, avec émotion, pour accompagner les trois jeunes femmes et les fidèles, une cinquantaine de personnes peut-être.

MM Delamarre, Pierrot et Jean

MM. Delamarre, Pierrot et Jean

Puis nous repartons. L’autoroute du parc des Laurentides, avec ses voies doubles, nous gâte. Nous parlons beaucoup, nous discutons de ce que nous avons vécu aujourd’hui comme au cours des jours précédents, puis nous écoutons de la musique, le dernier tronçon du voyage étant totalement occupé à hurler des dizaines de tounes des Beatles. And in the end, the love you take is equal to the love you make…

Dixième jour

Texte 1 : La marche à l’amour de Gaston Miron

Texte 2 : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » (Mc 12, 28-34)

Contexte : de Mistissini à Mashteuiatsh, en passant par Chibougamau, le Sentier du bonheur et le lac d’Aigremont

Le dixième jour, il y a de la légèreté dans l’air. Il fait encore un temps magnifique autour de Mistissini la crie. Nous sommes parfaitement reposés, ayant profité de l’accueil des amis de Pierrot qui étaient si heureux de le revoir, des gens qui lui ont signifié, chacun à sa manière, comment ils appréciaient la joie profonde qu’il dégage. Il faut dire que nous avons aussi vécu un moment de folle camaraderie sur le lac Mistassini, la veille, tout en pêchant et en « slamant » dans le canot! Montage vidéo à venir…

Nous quittons Mistissini en milieu d’avant-midi en direction du lac Saint-Jean. Nous avons décidé de ne pas filer d’emblée vers Québec, aboutissement de notre expédition. Ensemble, nous convenons qu’il serait significatif de nous arrêter au camping de Mashteuiatsh, sur la rive ouest du Piekouagami, tout près du village innu qui fait comme une pointe dans les eaux du lac. Nous avons encore du temps et, surtout, nous ne sommes pas pressés. Le voyage a pris d’une certaine manière une tournure de grand calme. Nous profitons de la route pour discuter de toutes sortes de choses, notamment de poésie. En lisant La marche à l’amour, nous faisons nôtres certaines images de Miron en nous interrogeant : de quelle façon sommes-nous « entêtés d’avenir »? Peut-on d’ores et déjà penser à certaine suites de La route sacrée? Toutes sortes d’idées nous viennent en tête…

chapelleJuste après Chibougamau, où nous avons visité un magasin tenu par la fille d’une amie de Pierrot, Alexe, — et où d’ailleurs Isabelle s’est procuré des mitaines en peau de loutre, magnifiques, qui ne lui serviront qu’en janvier, mais qu’à cela ne tienne —, Pierre-Olivier nous suggère de nous arrêter le long de la route, un peu avant la fourche en direction de Chapais. Il y a là un site religieux aménagé en pleine forêt, le « Sentier du bonheur ». À cinq minutes à pied de la route, nous découvrons une minuscule chapelle, toute en bois, émouvante par la beauté toute simple qui s’en dégage. Pierre-Olivier avait promis à l’instigatrice de ce site, son amie Dany Larouche, de le bénir : une fois que nous sommes réunis à l’intérieur de la petite chapelle, c’est ce qu’il fait. Il ne savait pas quand il pourrait donner cette bénédiction si symbolique… mais voilà que nous avons pu entrer sans difficulté, bien qu’il n’y ait personne sur place. Vive les chapelles déverrouillées! Nous nous sommes recueillis un instant alors que les peupliers et les geais bleus, à l’extérieur, semblaient se réjouir avec nous. Pas de cadenas ici. Aucun déchet dans les sous-bois ou autour des rangées de bancs disposées devant une estrade où, parfois, il y a des spectacles de musique. Cet espace sacré est évidemment protégé, habité, aimé. Comme il est écrit sur un panneau de bois près de la route, il a été conçu par les Chibougamois pour « le bonheur ». L’hiver, les gens y parviennent en motoneige, organisent des fêtes pour souligner Noël. Voilà un site bien adapté à la nature nordique! Œuvre de gens visionnaires, dynamiques, au service de la communauté, ayant à cœur de l’enrichir. Nous en sommes émus.

La traversée du parc de Chibougamau se fait sans encombre. Nous stoppons près d’un petit lac, tout près d’une halte routière, pour la baignade quotidienne de Pierre-Olivier. Jean se sauce pendant une seconde et quart avant de sortir de l’eau en courant. La canicule se poursuit, mais les lacs de la région gardent tout de même plusieurs traits nordiques…

Nous parvenons enfin à Mashteuiatsh. Dès notre arrivée au camping, malgré la fête du travail qui est toute proche, on nous annonce qu’il y a encore un site libre juste au bord du lac. Quelle chance! Nous y reculons la roulotte, entre les arbres, puis commençons à débarquer le matériel. Soudain : le train! Un grondement puissant, suivi de plusieurs longs coups de sifflet. L’engin passe peut-être à cinquante mètres du camping! Ouille! Mais ce n’est pas grave. Après quelques minutes, le tonnerre s’apaise. À l’accueil, on nous dit qu’il ne faut pas trop nous en faire… Nous courons vers la plage, admirons un lac miroitant, au soleil couchant, une vraie splendeur, à quelques mètres seulement de notre campement. C’est le temps de manger, de fêter ce dernier soir en expédition. L’eau est mise à bouillir pour le spaghetti traditionnel. Soudain : un party! Un vrai gros party de plage avec système de son plus que puissant, chez les voisins, sur un terrain privé juste à la limite du camping. Fiesta tout ce qu’il y a de bruyant. Un couple de campeurs, assis près de leur Westfalia, à notre droite, nous disent croire qu’il s’agit d’une simple cours de Zumba. Ah bon… dans une heure, donc, tout devrait être redevenu paisible. Nous préparons le souper, mais il y a une certaine tension dans l’air. Même dans la roulotte, les fenêtres fermées, le bruit est assourdissant. Une heure et demie plus tard, rien n’a cessé. Le party semble enclenché pour toute la soirée. Nomades que nous sommes, nous remballons pour nous enfuir à l’autre bout du camping dans un petit trou déniché entre les arbres, heureusement encore disponible car plus éloigné du lac. Nous y replantons la tente. Le soir tombe. Nous dormirons en paix.

Ainsi va la vie dans bien des campings contemporains nord-américains. Autour d’un petit feu, nous nous redisons comment cette expédition put être à la fois pleine et paisible, sauf pour ces quelques moments plus rudes, toujours au sein des grands groupes. Quand vient le temps de chanter, Pierrot hésite à sortir son charango. Même s’il n’est que 20 heures, nous nous souvenons de l’épisode du camping, près des Escoumins, où une dame était venue nous avertir que les instruments de musique étaient défendus… M’enfin! Le nomadisme permet de ne pas devoir vivre trop longtemps collé aux agglomérations de véhicules récréatifs sophistiqués… Ce qu’il faut, c’est reprendre la route, chercher le Nord et d’autres chemins nordiques, d’autres Témiscamie, derniers refuges pour les silences les plus habités — espaces où la solitude la plus saine peut être partagée avec les plantes, les animaux, et parfois, avec les humains.

Piekouagami

 

 

Neuvième jour

Texte 1 : le chapitre sur Madame Montour dans Elles ont fait l’Amérique (Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque)

Texte 2 : la rencontre entre Jésus et la Samaritaine (Jn 4, 1-30)

Contexte : Vagabondages dans Mistissini

Réveil à Mistissini, sur la rue Petawabano. Aujourd’hui, il fera beau. Mais nous prenons notre temps, tout notre temps, et puis, chaque jour il nous faut nous poser pour écrire à propos des plus forts moments du voyage — particulièrement ce qui s’est passé à l’Antre de marbre —, ou méditer, ou en parler, afin de ne pas être seulement dans l’action. Une voyagerie, une aventure, une expédition prend un sens accru, sinon tout son sens, dans la mesure où à travers les préparatifs et la vie matérielle intervient une vie plus spirituelle, plus poétique, plus méditative, plus « sacrée ». Tant de choses vécues ; tant de choses à vivre. Après des jours entiers sur la route, après avoir affronté de grands vents en canot, sur la Témiscamie, il y a lieu de respirer, de contempler le ciel et ses nuages, tout en laissant la rêverie éveillée faire son boulot, peut-être le meilleur boulot qui soit.

La petite ville crie de Mistissini dégage beaucoup de dynamisme. Tant de constructions neuves, en pleine forêt boréale, au cœur d’un développement tourné vers le lac — un immense lac et ses splendeurs, le plus long lac naturel du Québec. En compagnie de Julie, qui nous a si gentiment reçus chez elle, nous poussons une pointe jusqu’au nouveau pont qui enjambe un des bras du lac, près d’un ancien brûlis, où l’on prévoit bâtir plusieurs maisons neuves. Ce pont a été créé grâce à d’immenses poutrelles, toutes en bois, assemblées aux Chantiers Chibougamau, avec des arbres coupés dans la région. Ce n’est pas rien de le souligner : ces poutrelles étant devenues la marque de commerce de cette industrie chibougamoise. Qu’elles aient servi à l’édification d’un pont à Mistissini, là où grouillent tant de projets, nous apparaît signifiant. C’est la rentrée scolaire aujourd’hui. Les enfants et les adolescents sont partout, la sève neuve d’une parole qui s’affirme un peu plus chaque année, une parole que les Sudistes devront apprendre à mieux écouter.

Nous allons aussi visiter le vieux cimetière cri, tout près de l’auberge. Sous les peupliers faux-tremble, nous marchons lentement, devisant, lisant quelques épitaphes, admirant tout particulièrement plusieurs petites clôtures en bois, peintes de différentes couleurs, parfois simplement placées dans les herbes, sans lien précis avec une croix ou une pierre tombale. Les petits rectangles formés par ces clôtures créent comme des sépultures pour les âmes qui semblent ainsi avoir plus d’espace pour voler. Nous déambulons dans ce cimetière indien pour nous y recueillir, certes, mais aussi pour partager notre plaisir de vivre en prenant quelques photos. On se promène ici comme on ne le fait presque plus, nous semble-t-il, dans les cimetières du monde sudiste. Qu’est-il devenu, ce Sud dorénavant composé de grands boulevards et d’autoroutes et de Pizza Hut et de Tim Hortons à profusion, en plus des édifices à soixante-dix étages et des centres d’achats qui poussent plus vite que le chiendent? Soit dit en passant, le Tim Hortons de Mistissini a ouvert ses portes depuis peu et paraît-il que les gens de Chibougamau n’hésitent pas à parcourir plus de 150 km pour venir y faire leur tour… (Car il n’y a pas de Tim Hortons à Chibougamau, vous l’aurez compris.) Osons croire que l’univers sudiste arrivera à s’associer à celui de l’autochtonie nordique qui, de fait, donne le ton à la vie harmonieuse de bien des humains dès qu’on se trouve au-delà du 49e parallèle. Quant à nous, au moment de clore notre promenade à Mistissini, c’est le shaputuan qui nous éblouit. En fait foi ce petit film :

En fin d’après-midi, après avoir laissé Julie chez elle, nous reprenons la route en direction sud, sur une quinzaine de kilomètres, afin de trouver un accès au lac, une plage où nous pourrons mettre notre canot à l’eau. Il vente du nord-ouest, assez fort, mais les nombreuses îles semées sur la partie méridionale du lac Mistassini nous protègent. Pierre-Olivier rêve de pêcher quelques poissons. À de nombreuses reprises, il lance sa ligne autour de quelques îles, mais sans succès. Jean a pourtant déjà attrapé ici même quelques beaux brochets, en compagnie de son ami Gérald Dion. Nous chantons, blaguons, filmons, tout en pagayant doucement, ou en nous laissant dériver, poussés par un vent chaud, jusque dans une baie profonde où, enfin!, Pierrot attrape un petit brochet. Jean en fait de minces filets afin d’éviter les arêtes. Un seul poisson contente tout le monde! Il servira d’entrée pour le souper.

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Nous nous rendons ensuite chez Gérald Dion, qui attend deux amis avec lesquels il doit partir le lendemain pour l’Antre de marbre (eh oui!). Là, tout en mangeant, nous placotons à propos du chamanisme, du Nord et de la vie chez les Cris (Gérald est médecin au Eeyou Istchee depuis plusieurs décennies). Lorsque ses amis Guylaine et Rock débarquent enfin, en milieu de soirée (il s’agit de leur première visite à Mistissini), la conversation s’engage sur leur dernière aventure commune dans les monts Torngat, à la frontière du Nunavik et du Labrador, il y a un an. Que de péripéties grâce au Nord!

Nous les laissons bientôt pour retourner à nos écrivages et à nos archivages de fichiers photo et vidéo, chez Julie et Marcel, et surtout pour discuter encore une fois des liens de plus en plus nombreux que nous sentons s’établir entre notre propre voyage et l’entreprise du père Laure, en 1730. En canot, cet après-midi, nous avons inventé une espèce de slam où il était question du « père Laure 2 ». Que de sérénité, en particulier grâce à la présence de Pierre-Olivier, depuis le début de cette aventure!